Les yeux grand ouverts, j'entendis mon réveil sonner. Il était 6h. Cela faisait une semaine que j'étais arrivée, une semaine que je me levais tôt pour travailler Upsilon dans le rond sans être dérangée, une semaine que je passais mes après-midi à éduquer Bashshar et à jouer avec lui, une semaine que je nettoyais quotidiennement le pré dans lequel ils passaient leurs nuits.
Une semaine que je ne dormais que deux à trois heures par nuit.
J'avais l'habitude de mal dormir dans les lieux inconnus, mais là ça commençait à faire long. Surtout que je m'exténuais volontairement à la tâche pour réussir à grappiller quelques instants de sommeil. Je finissais par songer à l'hypnose pour réussir à m'endormir...

Le soleil commençait seulement à nous accorder quelques uns de ses rayons. Je jetais un coup d'oeil par la fenêtre, puis sur ma coloc' endormie. On n'avait pas vraiment discuté, encore, à part les politesses d'usage. En tout cas, elle avait l'air d'avoir moins de problèmes de sommeil que moi.
J'enfilais un jean, un grand t-shirt blanc et ma veste, chaussais mes doc martens et sortis de la chambre en prenant soin de refermer silencieusement la porte. Je passai à la cuisine récupérer deux pommes et l'encas que je m'étais préparé la veille au soir: ce serait mon petit-déjeuner.

Je humais l'air frais du matin: outre la présence de peu de cavaliers aux heures matinales, j'appréciais cette atmosphère brumeuse, l'odeur de sel mêlée à celle de la nuit. J'aimais voir la rosée sur les feuilles des arbres, sentir les fleurs et la nature se réveiller, voir les derniers oiseaux de nuit se réfugier dans leurs coins pour s'endormir. L'aube était mon moment préféré de la journée.
Quand j'arrivais près des prés, je vis Bashshar et Upsilon trotter gaiement jusqu'à la porte et m'attendre. J'étais vraiment soulagée d'avoir réussi à trouver un aussi bon compagnon à mon poulain. Et j'étais ravie qu'Upsilon se soit aussi vite habitué à la vie au pré: les chevaux n'avaient l'air d'être sortis que lorsque leurs cavaliers en avait envie...

Je me glissais sous les fils supposés électriques et m'avançais vers les deux mâles, qui ne me quittaient pas des yeux, oreilles pointées vers moi. Je leur fis mon plus grand sourire et sortis de ma poche les pommes. Ils s'avancèrent et se goinfrèrent du fruit jusqu'à ce que mes mains soient aussi propres qu'en sortant de la salle de bain.
En riant, j'allai chercher le licol d'Upsilon que je laissais la nuit dans une boîte à l'entrée du pré. Depuis le jour de notre rencontre, notre relation s'était grandement améliorée: il était plus interactif, plus actif, il osait même protester quand mon pansage était désagréable. La statue qu'il avait été s'était animée, et c'en était d'autant plus agréable.
Quand je revins vers le hongre, il attrapa le bout de longe et joua avec. Je le lui enlevai pour lui passer son licol avant qu'il ne rebaisse la tête pour récupérer son jouet préféré. Il avait appris ce tour de Bashshar, le premier jour, quand il avait attrapé la longe du bai avant de l'emmener dans tout le pré au petit trot. Upsilon avait alors pris l'habitude de faire de même avec mon poulain, ce qui était drôle à regarder.

Le grand bai, tenant toujours sa longe entre ses dents, me suivit jusqu'à la porte et sortit du pré derrière moi, Bashshar restant tranquillement derrière. Je marchai jusqu'aux écuries, Upsilon toujours derrière moi. J'avais compris les jours précédents qu'il me suivrait partout et que ce n'était pas la peine de le tenir à tout prix: quand j'avais le malheur de vouloir reprendre la longe, il reculait de telle sorte que je ne puisse jamais l'attraper. En échange, il était comme un chien fidèle et ne me lâchait pas d'une semelle.
J'allai jusqu'à la sellerie pour récupérer mes brosses puis ressortis pour arrêter Upsilon près de la barre de pansage. Il connaissait l'exercice: ne pas bouger pendant que je le brosse et ne me suivre que quand je l'y invite.
Je pris mon temps pour le décrasser de sa nuit dans l'herbe. Sa robe était encore humide, mais je réussis à le débarrasser de la terre qui le couvrait avec un chiffon, qui était désormais destiné à la poubelle... Avec ma main, je le massais le long du dos et des jambes pour réactiver la circulation du sang. Une fois sa belle robe bai à nouveau scintillante, je l'emmenai jusqu'au rond de longe, où nous travaillions tous les matins. Depuis quelques jours, je le travaillais en liberté pour qu'il soit plus à l'aise.

Je commençai mon travail par un tour de pas à chaque main, sans qu'il ne me mange de terrain ni s'arrête, comme toujours. Depuis le début de la semaine, la mise en place du MEDA se faisait de plus en plus rapidement et nous commencions à pouvoir attaquer le gros du travail.
Après cela, j'attendis de voir son nez se baisser suffisamment pour le ralentir, avant de demander le départ au trot. A nouveau, j'attendis qu'il me fasse un tour de jog à chaque main sans aucun test.
Là, je l'arrêtai et le récompensai rapidement. Aujourd'hui, j'avais décidé de continuer à travailler son endurance: je le remis au trot sur le cercle et le fis jogger une dizaine de minutes à chaque main. Il me fit plusieurs crottins, chose habituelle quand un cheval se muscle les abdominaux. Pendant qu'il récupérait tranquillement au pas, je pris la pelle et le râteau pour nettoyer le rond.
Cela ne faisait même pas une heure que nous étions au travail: rien à voir avec le premier jour! Je le refis jogger sur deux-trois tours pour le remettre au travail, avant de l'arrêter au centre du rond.

Stick à la main, je lui demandais un déplacement des hanches vers la droite, de telle sorte que son antérieur gauche ne bouge pas et que son déplacement commence par le postérieur gauche qui croise le droit. Le premier coup, Upsilon commença par le postérieur droit. Patiente, je lui redemandai, il fit le bon geste... Jusqu'à ce qu'il bouge son antérieur. Je demandai à nouveau et ce fit un méli-mélo incroyable. Je fronçai les sourcils, inquiète de voir mon travail précédent disparaître.
Mais la quatrième fois fut la bonne: il me donna ses hanches avec élégance. Un sourire, une caresse, et je recommençais à droite. Il m'accorda l'exercice au bout de deux demandes.
Je me plaçai alors près de son épaule et lui demandai un déplacement des épaules: premier mouvement de l'antérieur droit, sans bouger le postérieur du même côté. Là encore, il râla deux fois avant de me donner ce que je voulais: je recommençai alors à gauche. Il accepta l'exercice du premier coup.

Alors je pus commencer à "danser". Sans stick et à sa gauche, je lui demandais de se décaler vers la droite en poussant mon doigt dans la direction de son arrière-train. Ensemble, nous fîmes quelques pas, Upsilon avec un élégance remarquable, digne des chevaux de dressage en haut niveau.
Toujours à sa gauche, je reculai en l'invitant à me rejoindre: le hongre était intelligent, il refit des pas de côté, toujours avec grâce et élégance.
Je m'approchai alors de son encolure et le caressai, en le remerciant d'être aussi agréable à travailler.

Avant de ressortir du rond, je jetai un coup d'oeil à son dos: il commençait à être suffisamment musclé pour oser poser une selle et un humain dessus. J'avais reçu la veille un filet et une selle faits sur mesure pour lui, je prévoyais de les utiliser dans les jours qui venaient. Demain serait un bon jour. Demain, je l'emmènerai en balade, c'était décidé.
Satisfaite du travail accompli, je lui passai son licol, lui donnai son bout de longe et partit en direction des douches. Là, je lui passai un coup rapide sur les membres: le travail n'avait pas été très intense et il avait fait suffisamment frais pour que, même après ses 20 minutes de jog, le hongre n'avait pas transpiré.
Puis je repartis, Upsilon sur mes traces. Je récupérai un bouchon au passage et ramenai le bai au pré. Bashshar l'attendait à la porte, heureux de retrouver son ami.

Je repartis en direction d'un arbre pour manger tranquillement mon petit-déjeuner: 8h était le moment où la majorité des cavaliers commençaient à arriver. Fatiguée du travail de la matinée et heureuse de voir Up et Bash jouer ensemble, je m'endormis, le ventre plein, sous l'ombre protectrice d'un grand chêne.